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Réveiller le rêveur , changer le rêve

Voici un article écrit pour le trimestriel de CULTURE & DÉVELOPPEMENT en 2008, une époque où une équipe formée par Noëlle et Claude Poncelet de la Pachamama Alliance, animait le "Symposium" partout où c’était possible.
Et puis, des outils plus européens et mieux adaptés à notre culture française, et en particulier le travail autour de Pierre RABHI, et notamment les Colibris, les Oasis en tous lieux, Kaizen, etc. ont pris le relais. [1]

A PROPOS DU SYMPOSIUM...
Le symposium "Réveiller le rêveur, changer le rêve" mis sur pied par la "Pachamama Alliance" dès 2004 a été proposé pour la première fois en français par l’asbl TETRA le 6 octobre 2007 à Bruxelles. Ensuite, il fut à nouveau présenté à Tihange le 26 avril 2008, à l’initiative du GBEN.
Comme les prises de conscience s’accélèrent, le symposium s’actualise, ses modalités évoluent, il devient moins explicatif et plus expérientiel.
Voici quelques réflexions personnelles à ce sujet, par Michel Simonis, d’après un texte d’Aline Wauters écrit pour “Antipodes”

Culture et développement asbl - n° 55 - Septembre 2008

Le symposium parle de la situation écologique, sociale, et spirituelle de la planète et montre comment ces trois crises n’en font qu’une.

"Au-delà des clivages politiques et de tout ce qui fragmente notre réalité commune, c’est à /’insurrection et la fédération des consciences que nous faisons appel. C’est à dire à ce lieu intime où chaque être humain peut mesurer sa pleine responsabilité et définir les engagements que lui inspirent une véritable éthique de vie pour lui-même, pour ses semblables et pour les générations à venir" (Pierre Rabhi, Mouvement pour la Terre et l’Humanisme) [2]
On est donc là autant sur une dimension personnelle affective et spirituelle que politique et environnementale.

S’il n’y a pas de respect des équilibres écologiques dans un système économique néo-libéral de capitalisme triomphant, il n’y a pas non plus de justice sociale là où l’équilibre écologique est en rupture : il commence à y avoir aujourd’hui plus de réfugiés écologiques que de réfugiés politique et sociaux.

A la source de ces deux ruptures, ou en tout cas, en relation systémique avec elles, on peut constater que nous vivons dans une culture de la modernité où l’idée d’unité qui nous relie à la nature fait défaut. Nous vivons et agissons aujourd’hui comme si nous étions coupés du reste du vivant : nous l’exploitons, le consommons et le jetons sans voir que tout le monde vivant - et même non vivant - forme une unité, et que notre existence dépend totalement du vivant, de sa richesse et de sa diversité.

Beaucoup de personnes, ici et partout, commencent à prendre conscience des effets pervers de la "modernité", celle que nous tentons d’imposer à toutes les nations du monde comme "modèle de développement" (ceux qui ne suivent pas ce modèle sont considérés comme "sous-développés" ou, comme on dit plus "politiquement correct" aujourd’hui, "en voie de développement”. Mais qui, actuellement, est "sous-développé" au regard de ce qui se passe sur la planète ?)
Certes, au nord, nous disposons d’une masse incroyable de connaissances scientifiques qui nous permettent (ou qui nous donnent l’illusion) de comprendre les mécanismes de la nature dans leurs moindres détails.

Nous nous sommes attachés à développer le raisonnement logique, le savoir scientifique, la technologie, l’amélioration du confort à court terme.
En même temps, nous nous sommes coupé du monde naturel, plongé dans un véritable "complexe d’isolement".

Tandis que les peuples "premiers" possèdent eux, une connaissance et une sensibilité intrinsèque, essentielle, concernant la nature, Celle de ne faire qu’un avec elle, ayant pour règle de ne jamais faire quoi que ce soit qui puisse nuire à la nature ou menacer les générations futures, notre mode de vie à nous fait état d’une compréhension complètement erronée de notre place dans l’univers. Et cette vision du monde nous conduit à des choix de vie qui finissent en définitive par détruire l’avenir de l’espèce humaine toute entière.
Maintenant, celui qui ne se ferme pas les yeux sait. Ce qu’on sait moins, c’est comment nous en sommes arrivés là. Et ce qu’on a du mal à savoir, c’est comment on va s’en sortir.

Comment nous en sommes arrivés là ?

Et là, les hypothèses et les théories foisonnent.

Perte de lien, perte de connexion. C’est ce qu’on pourrait appeler souffrance psychique et spirituelle. Perte aussi de dignité comme personne humaine, réduit aux yeux du système économique et financier, à n’être plus que "ressources" comptabilisées, sources de revenus et de profit.

Une des explications que je trouve pertinente est que "l’actuel ordre du monde" comme dit pudiquement Jean Ziegler, à "déshumanisé" l’homme, le réduisant à objet monnayable, comme il a "dénaturé" la nature en la réduisant à des ressources transformées en marchandises : non seulement la terre s’achète et se vend (ce qui heurte toujours actuellement les peuples indigènes), mais l’eau s’achète et se vend, le soleil et l’énergie solaire sont en passe de devenir un marché mirobolant, tandis que l’air pur est déjà devenu
une valeur marchande : les beaux quartiers où l’air est sain valent chers ...

Pérou. Image du site “Parole de Nature” : www.chamane.org

Si tout s’achète et se vend, si chaque espace encore libre devient un espace disponible pour la publicité, tout homme, femme et enfant devient un consommateur avant d’être un citoyen. On peut même dire que s’il ne consomme pas assez, il devient un mauvais citoyen ! Honte sur lui ! Le profit (et aussi l’emploi dit-on !) en souffre, et pour donner du travail à tous, nous dit-on, il convient d’acheter plus, encore plus. ("Un nouveau GSM chaque année”, c’est la nouvelle offre sur le marché, adressée aux ados).

"Comment, depuis nos racines celtiques emplies de valeurs proches de celles des peuples indigènes, depuis notre profonde reliance de jadis à la Terre et au cosmos, en sommes-nous arrivés là ?" demande Aline Wauters.

Si la "reliance" a été perdue, et avec elle une dimension cosmique de la vie, c’est aussi qu’une dimension intérieure a disparu : l’homme moderne est aussi coupé de son être intérieur. Et s’il se sent vide à l’intérieur, isolé et coupé de la nature et de son environnement, il va plus que probablement être tenté de compenser ce vide par des achats, par une fuite dans les toxiques qui lui donneront l’illusion de continuer à être relié : alcool, TV, jeux et drogues légales ou illégales) vont l’aider à vivre, et par la même occasion, vont devenir d’extraordinaires et juteuses sources de profit.

Qui n’a - comme moi - plus d’une fois eu recours au lèche-vitrine ou à la promenade dans les rayons d’une grande surface pour oublier un peu le vide ou la solitude qui l’assaille ?

Alors si les trois crises sont reliées entre elles, s’il faut penser ensemble - embrasser en un seul mouvement - l’environnement à restaurer et préserver, l’épanouissement spirituel et le respect, la dignité, l’équité et la justice sociale, cela veut dire qu’il y a un espoir de s’en tirer.

Car il y a là une question de vision du monde. Notre façon de voir le monde imprègne notre façon de vivre le monde, et c’est notre façon de vivre le monde qui amène le monde à être ce qu’il est.
Drôlement dur à avaler cela. Mais réfléchissons un peu à partir d’exemple concrets ...

Regardons un instant la croyance selon laquelle "une économie en bonne santé est une économie en croissance”, et pensons à ce que cela implique pour notre famille, notre région, notre pays, le monde globalisé, les relations entre les pays pauvres qui vendent leur coton, leur soja (OGM !) ou leur pétrole et les pays riches qui le leur achètent.

Si la croissance est indispensable, nous sommes alors priés de consommer. Nous en sommes alors, en quelque sorte, réduit à être des consommateurs. Et conditionnés à être fiers de l’être. Fiers de montrer qu’on peut se payer un gros 4X4 qui se moque du prix du carburant. Un bon citoyen, comme dit plus haut.
Nous pourrions aussi regarder : "On n’arrête pas le progrès” et le stress qu’engendre cette croyance ; "la science trouvera bien une solution” et la torpeur dans laquelle cela nous plonge ; "une seule personne ne peut rien changer” et notre inertie face à l’engagement personnel ; "l’homme est le maître de la nature” ou "de toutes façons la concurrence est une loi de la nature” ; "ma voiture, c’est ma liberté”, etc ...

Chacun peut désormais prendre le temps de regarder les croyances qui remplissent ses cellules nerveuses et, après en avoir compris les conséquences, faire le choix de les garder ou d’en changer.

Puisque cette vision du monde est faite de croyances pas souvent vérifiées, construites par les hommes eux-mêmes, nous pouvons donc en changer, si toutefois nous voulons bien prendre le temps de les observer et faire des choix responsables (responsable = habilité à répondre).

Ainsi à chaque instant. nous avons la possibilité de transformer une potentialité en action, de traduire un engagement en actes. C’est ce que nous aide à faire le symposium "Réveiller le Rêveur - Changer le rêve” dans la pratique de ses exercices.

En nous mettant en contact avec la vision du monde des peuples indigènes, il nous permet de voir le monde avec d’autres yeux, ceux d’autres cultures, ce qui va nous aider à prendre du recul par rapport à ce qu’on croyait être la seule façon de vivre et de penser le monde.

Une nouvelle histoire du monde

Mais ce n’est pas tout. Au cours des quatre-vingt dernières années environ, la majeure partie de la communauté scientifique s’est progressivement ralliée à une même histoire de la création de l’univers et de tous les êtres vivants. Nous y retrouvons de nombreux aspects fondamentaux de ce que la plupart des populations indigènes pensent à propos de la Terre et de la création, et de la manière dont elles vivent depuis des milliers d’années, à savoir : nous sommes tous profondément interconnectés et interdépendants, que ce soit au niveau microscopique ou macroscopique. C’est un "nouveau paradigme".

Bien que les scientifiques mènent des recherches et travaillent sur cette « histoire de l’univers » depuis de nombreuse années, elle n’a commencé a trouver écho auprès du grand public qu’au moment où les astronautes ont voyagé dans l’espace et en ont rapporté une magnifique première photo de la Terre.

La signification de cette évolution est importante. En effet, toutes les cultures ont leur propre histoire de la création et jamais auparavant, nous n’avons disposé d’une histoire culturelle de toute l’humanité, d’une histoire unificatrice racontant notre place dans le cosmos et dans l’évolution de l’univers. C’est une histoire de toute l’humanité, pour toute l’humanité, qui est à la portée de tous et qui est disponible pour tous.

Internet et des outils comme "Google Earth" permettent à chacun maintenant d’avoir accès à cette nouvelle vision, globale, planétaire, ce qui, à la longue, va faciliter les prises de conscience.
Cette nouvelle histoire de l’univers qui émerge est de nature à nous donner de l’espoir, des pistes pour un "nouveau rêve" ...

Il semble que quelque chose se soit réveillé et que un peu partout sur notre planète les : con cienc changent, soit une personne sur quatre. aux USA et en Europe, disent les auteurs du livre "tes créatifs culturels" [3] : ce mouvement, cette houle est extraordinaire car elle n’a pas de nom, pas de chef, pas de dogme, pas d’idéologie, pas de frontières, pas d’armées. C’est une intelligence collective qui cherche des solutions dans la force et la diversité.

Paul Hawken a répertorié sur son site [4] plus de 100.000 associations qui, à travers le monde, manifestent cette prise de conscience active et oeuvrent au changement. Il y en a chaque jour et partout de nouvelles qui se créent.

Le système immunitaire de la planète s’est réveillé, pensent certains.

Et maintenant ?

Où nous conduisent ces journées de "symposium" ?

Les croyances dont nous sommes pétris sont comme des boucliers que nous avons empruntés à la société pour nous protéger de cette effarante vérité sur la dégradation écologique, sociale et spirituelle de notre planète, et pour ne pas trop en souffrir.

Accepter de se reconnecter à cette souffrance, la traverser en ayant une image claire de ce vers quoi nous voulons aller, c’est une manière de se réveiller de ce rêve. C’est libérer l’énergie que nous mettons à nous défendre, pour trouver de nouvelles réponses. C’est se réapproprier notre habilité à trouver des réponses ("respons-abilité") qui soient écologiquement viable, spirituellement épanouissantes, et socialement équitables.

Identifier ce qui, en nous et autour de nous, se trouve être en contradiction avec nos aspirations profondes, est un défi permanent. Nous avons vu que Pierre Rabhi parle d’insurrection des consciences. C’est aussi une tâche collective. Et Pierre Rabhi parle aussi de fédération des consciences. Et puis alors, nous pouvons repérer les interstices par où passent les alternatives, et contribuer à les faire grandir et à les multiplier.
Et je laisse à Aline Wauters le soin de conclure : "Nous nous reconnaissons alors comme individus engagés qui oeuvrent ensemble à un même projet : un projet où tout un chacun est prêt à agir et à envisager une nouvelle manière de voir, une vision où se rapprochent la sagesse qui honore la terre et le génie technologique du monde moderne dans lequel nous vivons.

C’est, pour tous ceux qui sont conscients des enjeux et se sont engagés dans des mouvements et des actions, chacun à sa mesure, faire un pas de plus et chercher l’unité entre toutes ces mouvements à travers le monde, créer des liens, à partir de la conviction que, tous sur un même vaisseau, seule la solidarité pourra nous aider à nous en sortir. "

Culture et Développement - trimestriel n° 55 - septembre 2008