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LES MATERNELLES ONT-ELLES DES OBJECTIFS ?

Document réalisé en collectif d’apprentissage (Réunion des Institutrices Maternelles de la région de Huy le 12 décembre 1991)

Si on vous pose cette question, qu’allez-vous répondre ?
Cette question, nous nous la sommes posée.
Voici quelques éléments de réflexions sortis de notre réunion du 12 décembre. De quoi alimenter notre prochaine réunion qui pourra alors aborder une autre question de taille : comment faire comprendre nos objectifs aux parents ?

Ce que nous souhaitons - voulons - espérons - qu’un enfant retire de son passage à l’école maternelle, ce sont d’abord des attitudes (des "savoirs-être") :
 il sera plus sociable, c’est à dire capable de gérer ses relations avec les autres, de gérer son agressivité, de comprendre les règles de vie du groupe, d’utiliser le langage pour communiquer, négocier, partager, organiser une activité, expliquer, décrire, créer...
 il sera capable de supporter d’être séparé de sa mère, d’être indépendant, de faire confiance à d’autres adultes...
 il aura appris à vivre en groupe, à partager.

Si certains enfants peuvent être très bien stimulés à la maison, l’école maternelle apportera un milieu stimulant à TOUS les enfants, quelque soit leur milieu familial. Elle est seule à même de le faire et en cela elle est socialement indispensable.

L’école maternelle donnera aussi aux enfants l’occasion de s’approprier des savoirs, des connaissances mais surtout des savoirs-faire.

OK. On est tous d’accord. Mais il nous parait important d’insister encore sur autre chose : l’école maternelle, en organisant des situations qui permettent aux enfants d’expérimenter, de chercher, de se confronter quotidiennement à des problèmes, à des obstacles, leur permettra de SE construire des façons de les surmonter, de trouver ou d’inventer des solutions. Elle leur permettra de se tirer d’un mauvais pas face à un matériel, face à une tâche ou face aux autres. Bref elle permettra aux enfants de développer leur autonomie et leur intelligence.
De ce point de vue, ce n’est pas tant nous-même qui apportons des solutions ou des contenus de connaissance à l’enfant, c’est par notre organisation, notre matériel, nos consignes, nos défis que les enfants se construisent leurs chemins, leurs stratégies de réussite, leurs attitudes positives face à une tâche et face aux autres.

Ainsi, par exemple, au travers d’un simple bricolage, qui sera peut-être la seule trace visible du travail effectué, nous aurons permis aux enfants d’intégrer une série de savoirs-faire et même de concepts, comme par exemple la succession (le déroulement temporel) des choses, des notions mathématiques comme la grandeur, l’inclusion, la proportionnalité.. Il aura peut-être intégré la notion de hiérarchie entre les objectifs à poursuivre ou les critères à privilégier (la solidité va-t-elle être sacrifiée à la beauté, ou l’imaginaire va-t-il prendre le pas sur l’utilité de l’objet, etc),.
Il aura peut-être appris aussi le respect des étapes à suivre, l’art de puiser dans ses propres ressources d’inventivité, ou de négocier avec les autres l’usage du matériel, la façon de planifier son activité dans le temps, dans l’espace disponible et dans le groupe avec les autres...
Tout cela, bien sûr ne sera ni directement tangible pour les parents, ni "notable" (au sens de noter ou de coter).

Bien sûr tous ces résultats acquis au fil des activités ne seront pas toujours prévus en terme d’objectifs explicites. Mais c’est bien souvent sur ces aspects que l’institutrice portera l’évaluation qu’elle fait intuitivement de son action au fur et à mesure de l’année.
J’ai remarqué d’ailleurs que plusieurs se donnent des projets d’années, portant plus explicitement l’accent sur tel ou tel aspect (par exemple, la gestion du temps cette année-ci, le langage l’année suivante...)

Enfin, un objectif tout aussi important mais plus difficile à exprimer, c’est l’accompagnement par le langage de ce que vit l’enfant, de ses démarches, de ses recherches, de son vécu affectif . En reflétant, en disant avec ses mots à elle ou en suscitant l’expression de l’enfant, l’institutrice va aider l’enfant à ancrer ce qu’il vient de comprendre, à confirmer sa prise de conscience, à mettre des mots sur sa difficulté, à partager ce qu’il tire comme information de son échec ou de sa réussite, à dire ce qu’il est en train de chercher ou de découvrir, et même peut-être à avoir conscience de la stratégie qu’il est en train de mettre en place pour surmonter un obstacle ou pour réussir.
Cette parole qu’il entend sur lui-même, ou qu’il dit et qui sera entendue, va confirmer l’enfant comme digne d’intérêt, apprenant, chercheur, ayant de la valeur aux yeux de tous et surtout à ses propres yeux.

C’est ainsi que l’institutrice maternelle permet aux enfants de devenir chercheurs. Car elle leur donne envie de chercher, envie d’apprendre, par les situations concrètes, stimulantes, et pleines de défis à surmonter qu’elle met en place.
Cela est surtout apparent quand les enfants ne sont pas contraints à des situations "scolaires" d’apprentissage standardisé.
Et si, peut-être, ces situations "scolaires" d’apprentissage ont - en doses limitées - leur place chez les grands, elles pourront être surtout l’occasion d’une réflexion avec les enfants sur comment on apprend. Par exemple, comment on s’y est pris, chacun, par des voies différentes, plus ou moins efficaces. Ce qui est directement un plongeon dans les défis du 21ème siècle : l’occasion de développer un savoir sur le savoir, un apprentissage sur l’apprentissage.

Non pas seulement apprendre à apprendre, mais apprendre à repérer comment on s’y est pris pour apprendre, de façon à multiplier les occasions d’apprentissage.
Ce qui est une autre forme d’autonomie.
Rendre les enfants capables de résoudre, seul ou à plusieurs, des problèmes à leur portée sans l’aide de l’adulte, n’est-ce pas ce que vise, au fond, toute éducation ?

Voilà. Les maternelles éduquent pour demain...

Michel Simonis
décembre 1991