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Individualisation des apprentissages et styles cognitifs

Réponse à une lettre d’A.M. Ch. : une mise au point (datant de 1996) où je précise un certain nombre de choses qu’elle mettait en question : au sujet de l’individualisation des apprentissages, de l’action nocive de la PNL "contrariant" le canal privilégié de l’enfant...

Madame,

voici quelques remarques à propos de votre lettre traitant de l’individualisation des apprentissages.

La PNL présuppose que chaque apprenant a ses propres caractéristiques, en ce qui concerne la perception des informations, leur traitement, et les stratégies mises en place pour comprendre et mémoriser. On ne parlera pas en PNL de "styles cognitifs". Je pense que cela induirait qu’il y a des profils types, des règles générales.
Je constate que si certains chercheurs en pédagogie s’ingénient à rechercher des lois générales, la PNL me parait plutôt fuir cette tendance pour rechercher avant tout les caractéristiques individuelles, avec une grande finesse discriminative, en vue de rendre possible un "accord" ou une harmonisation subtile avec le modèle du monde de chaque interlocuteur, adulte ou enfant.
L’essentiel du modèle de communication de la PNL est de s’accorder avant de conduire. S’accorder à l’enfant, à l’élève implique que l’on entre dans la façon de voir, d’entendre, de comprendre la réalité qu’il s’est construite au fil de ses expériences. Donc que l’on respecte - notamment* - les canaux sensoriels qu’il privilégie pour percevoir et pour comprendre (intégrer, assimiler ou accommoder, créer des liens avec ce qu’il sait déjà, le "déjà là").

Ceci dit, une fois établi ce "rapport", un deuxième mouvement sera de conduire l’élève vers autre chose : soit un élargissement de ses stratégies et processus mentaux pour l’amener à une plus grande efficacité, soit une correction de certains processus trop limitants : contenant trop de distorsion par rapport à la réalité à appréhender, trop d’omissions, ou trop de généralisations, par exemple.

Il ne s’agit donc absolument pas de "contrarier", comme vous l’écrivez, le style cognitif de l’enfant "pour développer des tendances mineures".

Le mot "contrarier" ne fait pas partie du vocabulaire de la PNL, parce qu’il s’agit toujours de partir du modèle du monde de l’autre, et parce qu’un objectif de changement est toujours à négocier avec l’autre. On dira en PNL qu’il n’est pas "écologique" d’envisager un changement chez l’autre sans que toute sa personne adhère à l’objectif de changement - écologie interne - et sans avoir vérifié que ce changement se fera en harmonie avec son environnement - écologie externe. Il s’agira donc de veiller ici aux "bénéfices secondaires", de tenir compte des implications affectives et relationnelles d’un changement préconisé. J’insiste parce que cela me parait un des apports les plus pertinents de la PNL et qu’oublier de vérifier l’écologie avec l’interlocuteur, avec l’apprenant, c’est vider la PNL de sa substance et donc de son efficacité.

Concrètement, on va donc s’accorder au canal de communication privilégié de l’enfant. Il va de soi que devant une classe, la seule chose qui sera possible, c’est d’utiliser tous les canaux sensoriels pour que chacun s’y retrouve, se sente "sur la même longueur d’onde" : on fera appel au visuel, à l’auditif, et au kinesthésique (incluant l’olfactif et le gustatif). Ceci veut dire à mon sens pas seulement parler en termes kinesthésiques, mais si possible aussi faire bouger, faire manipuler, faire (res)sentir...

Antoine de la Garanderie ne dit pas autre chose (à part le kinesthésique qu’il laisse curieusement toujours de côté - mais pas ses successeurs comme Michèle Giroul), il propose clairement de toujours commencer par faire référence au canal préférentiel de l’enfant : s’il est visuel, on lui dira "Vois cela. Revois-le dans ta tête. Tout en continuant à le voir dans ta tête (à l’évoquer visuellement), maintenant redis-toi les mots, comment cela s’appelle, comment tu le décris avec des mots..." Il fera donc glisser progressivement l’enfant dit "visuel" vers une combinaison visuelle-auditive. Idem dans l’autre sens pour l’auditif ("Tu entends les mots ? OK.Maintenant, ré-entends les mots dans ta tête. Bien. Tandis que tu ré-entends les mots, ceux que j’ai dit, ou tes mots à toi, fais-toi une image...

C’est donc cela qu’on fera aussi en PNL, tout en étant plus complet, puisque l’auditif, en PNL ne sera pas seulement verbal, digital, mais aussi analogique "Entend les bruits que cela fait..." et que tant l’auditif, que le visuel ou le kinesthésique pourra être enrichi de sous-modalités sensorielles (couleurs, luminosité, forme, grandeur, tonalité, texture, mouvement...)

Nous allons donc guider l’enfant vers un élargissement de son mode d’approche.
Tout ce qu’il ne sait pas encore faire, toutes les modalités ou les processus pour percevoir ou évoquer, vont élargir ses possibilités de compréhension et de mémorisation.

Je donne en annexe un exemple pour une classe de 1ère année primaire : le nombre "huit".

En résumé,
1. je ne pense pas que Antoine de la Garanderie dise qu’il faille s’en tenir au canal privilégié de l’enfant. Il dit clairement que les élèves qui réussissent le mieux sont ceux qui utilisent le plus de canaux différents et il montre comment élargir les possibilités de l’enfant.
2. je ne pense pas que Philippe Merieu dise qu’il faille "parvenir à contrarier" le style cognitif de l’enfant. Mais il est certainement d’avis qu’il convient de développer les potentialités non encore actives dans son fonctionnement mental.
3. en PNL, on dira que le plus efficace est de commencer par s’accorder à l’enfant, à ses processus et à sa carte du monde - à sa manière de voir, même si elle est tout à fait distordue ou disloquée, pour ensuite le conduire vers des processus, des stratégies, des canaux sensoriels, des schémas de pensée plus larges, plus souples, plus adéquats.
4. on ne se fixera des objectifs de changement dans les processus internes qu’avec l’accord de l’enfant et en ayant vérifié l’écologie interne et son écologie externe.
5. si on est devant toute une classe, le plus intéressant est d’offrir un maximum de crochets sensoriels aux enfants, pour que chacun y trouve son compte.
6. alors seulement, avec les enfants en difficulté, on recherchera ce qu’il y a lieu de compléter ou d’élargir.
7. on ne va jamais aller à l’encontre d’un processus. On ne va jamais non plus viser à éliminer quoi que ce soit. On va renforcer d’autres processus plus pertinents, plus productifs, où en faire découvrir de nouveaux, que l’enfant adoptera s’il constate qu’ils sont plus efficaces.
8. cette découverte de nouveaux processus se fera idéalement par un échange en classe entre les enfants. En fin de primaires (et je pense dès le cycle 8-10), ils sont capables d’expliquer comment ils ont procédé, ce qu’ils ont fait "dans leur tête", et de s’apporter mutuellement de nouvelles stratégies cognitives.
Il existe des questionnaires bien faits qui peuvent aider à cette prise de conscience. Voir par ex. "Penser, apprendre, oublier" de VESTER, chez Delachaux et Niestlé.

Bien à vous,
Michel SIMONIS

ANNEXE.

 

Un exemple : le nombre "huit".
"Nous allons faire un voyage au pays de huit. Approchez-vous de lui. Peut-être que vous êtes sur la ligne des nombres, que vous quittez le sept et vous approchez du huit. regardez-le. Comment est-il ? sa couleur, sa forme, sa grandeur, sa position, qu’y a-t-il autour de lui, regardez ce qui l’environne...Faites avec votre corps le mouvement qu’il fait, et avec votre main, votre pied, sentez comment il s’étend dans l’espace, comment il tourne. Entendez le bruit qu’il fait : est-ce tout doux, brusque, criard ou bien cela ressemble à une musique... Entendez son nom : huit. Entendez son nom avec ma voix. Et entendez maintenant dans votre tête le nom avec votre propre voix. Peut-être a-t-il une odeur. Respirez-là. Et un goût, si on le met dans sa bouche. Qu’est-ce qu’il goûte ?
"Maintenant, vous pouvez aussi devenir le huit. Sentez comment c’est quand on est un huit. Sentez-le dans votre corps. Est-ce agréable, désagréable ? chaud, froid, doux, ou rugueux... etc.
"Maintenant vous allez voir le huit se diviser. Voyez-le se partager en huit petits morceaux. Vous voyez des petits morceaux de quoi ? Peut-être que ce sont huit petit "un", peut-être des objets, avec une forme, une couleur...Et dans votre tête vous comptez les morceaux, un, deux, trois... (ici, les enseignants, qui s’y connaissent mieux que moi, pourront introduire la différence entre le cardinal et l’ordinal...) Maintenant les morceaux vont se regrouper en petits paquets, en quatre petits paquets, puis en deux... Voyez ce qui se passe... Dites-vous dans votre tête ce qui se passe... Sentez les morceaux se regrouper, sentez-les comme si c’était en vous, ils se ramassent par deux, par quatre...

"Il rencontre un autre huit... Ils partent se promener, ils font "seize".
"Et toute une histoire commence... Il y en a qui se perdent en route. On va compter ceux qui sont restés là... On va chercher ceux qui sont partis...
Etc..."

Voilà pour une approche multi-sensorielle. Maintenant, quand les enfants dessineront leur voyage au pays de huit, puis verbaliseront leurs dessins, on pourra repérer là où il y a des failles, des discordances, des images fausses ou des processus de combinaisons approximatifs... Et on pourra s’occuper des morceaux manquants dans la carte de l’enfant, dans sa "structure profonde".

Pour des plus grands, on peut utiliser le même processus pour des concepts plus abstraits, comme le zéro, l’infini, le participe passé, la révolution industrielle ou le théorème de Pythagore...